Travailleurs nettoyant le coton avec les foulons. Photographie fournie par Albert Aguilera
Sur le chemin de sa Cabana des Pont d’Inca se trouve un des exemples les plus remarquables et uniques du patrimoine manufacturier qui caractérise cette région de tradition industrielle. Communément connue comme sa Fàbrica de Ses Llistes, cette construction est le reflet d’une époque de développement industriel, lorsque de nombreuses usines de fils et de tissus étaient implantées dans différentes parties de l’île, suite au triomphe de l’industrie moderne du coton au XXe siècle. Même pendant la guerre civile, la seule industrie de textile dont disposaient les rebelles se trouvait à Majorque.
Sa Fàbrica de Ses Llistes, a été fondée en 1923 d’abord sous le nom de « Ca’n Rullan » – Pedro Antonio Rullan S.– puis « Compañía Algodonera Balear S.A » après le changement de propriétaire en 1928. Enfin, elle a été cédée à nouveau sous le nom de « Textil Mallorquina ». Comme il s’agissait d’un bâtiment innovant, il a été confié à un cabinet d’architectes de Barcelone. Ce site était une succursale d’une usine principale qui se trouvait à Sóller. C’est ici qu’ils ont trouvé les conditions idéales pour son implantation, comme le transport des produits par la voie ferrée – autrefois réservé aux wagons de marchandises – ou l’utilisation du torrent Gros pour l’élimination des déchets, ainsi que les avantages fiscaux.
Entre 150 et 180 personnes travaillaient dans cette usine, principalement des femmes, où tout le processus était réalisé : du fils en coton au tissage, à la teinte ou à la confection des vêtements. C’est pour cette raison qu’au début des années 40, la même entreprise a implanté une usine de filage mitoyenne qui se chargeait de la transformation de la fibre en fils.
Jusqu’à 94 métiers à tisser étaient utilisés. La manufacture de cette entreprise était en activité jusqu’à 1972 malgré une crise due à différents facteurs : la compétition avec la Catalogne, un manque de modernisation, d’adaptation aux nouvelles matières premières avec les fibres synthétiques, etc. Le dernier propriétaire, Damià Mayol ; a cédé les anciens bâtiments à condition que le projet soit à des fins éducatives. C’est pour cette raison que la coopérative d’enseignement Es Liceu s’est établie. Le projet de réhabilitation a été confié à l’architecte Sebastià Cruelles, projet qui a remporté un prix de restauration des bâtiments.
En ce qui concerne son style et son type, selon les archives de l’école Es Liceu, cette construction a été la première usine bâtie à Majorque avec un design typiquement industriel, car auparavant, ces activités étaient réalisées dans des édifices traditionnels. Le bâtiment est caractéristique des usines de Catalogne et suit le modèle industriel anglais. Les éléments les plus remarquables étaient la charpente en fer qui soutenait le bâtiment et permettait d’avoir une nef sans colonnes centrales pour une meilleure optimisation de l’espace, ou l’utilisation de rivets au lieu de soudures. Il s’agissait également du premier bâtiment industriel de Majorque à utiliser le ciment Portland.
Cette particularité a compliqué la tâche des maîtres d’œuvre de l’époque, qui ne savaient pas comment appliquer la technique ni comment entreposer les sacs de béton, un matériau qui durcit très rapidement lorsqu’il est baigné. Sa conception envisageait également, de manière pionnière, la construction de logements mitoyens pour les ouvriers et ouvrières de l’usine qui disposeraient d’une maison avec jardin, toujours selon le modèle anglo-saxon. C’est le seul exemple de ce type de construction qui subsiste à Majorque.
